Gustave COURBET Et la Commune de Paris
né le 10 juin 1819 à Ornans dans le Doubs,
décédé le 31 décembre 1877 à La Tour-de-Peilz en Suisse
Une exposition vient de se tenir au Grand Palais à Paris. Ce fut l’occasion d’admirer l’œuvre considérable de ce peintre considéré comme le chef de file
du courant réaliste.
Mon propos a pour objet de vous faire découvrir la place et le rôle qu’il a tenus à partir
de 1870. Jusqu’à cette date, il s’était exclusivement consacré à sa carrière de peintre. Il se définissait comme un « républicain de naissance », proche des idées utopistes de Fourier
et Proudhon. En juin 1870, il refusa la Légion d’honneur proposée par Napoléon III.
Après la proclamation de la République le 4 septembre 1870, il est nommé président de la commission des
musées chargés de la préservation et de la protection du patrimoine parisien. En septembre 1870, il proposa au gouvernement de la Défense nationale, que la colonne Vendôme, symbole des guerres
napoléoniennes, soit « déboulonnée » et que son bronze soit fondu en monnaie. Cette proposition sera plus tard lourde de conséquences pour Courbet.
En avril 1871, il devient Président de la Fédération des Artistes et s’investie dans la vie politique :
il est élu au conseil de la Commune comme délégué du Vième arrondissement. Il y siègera jusqu’au 22 mai. Fidèle à ses convictions pacifistes, il ne prit pas part aux combats du siège de Paris et
s’opposa à l’instauration du Comité de salut public.
Pendant la semaine sanglante, il se réfugia chez un ami où il fut arrêté le 7 juin 1871. C’est à partir de ce
moment que va commencer pour lui un calvaire juridique qui ne s’achèvera qu’à sa mort. Il est condamné le 2 septembre 1871 par le Conseil de guerre à six mois de prison et à une amende de cinq
cent francs pour sa participation à la destruction de la colonne Vendôme (16 mai 1871).
Il est d’abord emprisonné à la prison de Sainte-Pélagie à Paris, certains de ses tableaux portent la mention
Sainte Pélagie en rouge à côté de sa signature, puis pour des raisons de santé il est transféré à la clinique du Docteur Duval.
Mais la réaction lui en veut toujours : de 1871 à 1873, Courbet est la cible des caricaturistes où sa
figure de « colonnard » et de peintre sont mêlés ; ses tableaux sont « refusés » aux expositions.
En 1873, l’assemblée conservatrice décide de rétablir la colonne Vendôme : de nouvelles poursuites sont
engagées contre Gustave Courbet. Tous ses biens sur le territoire français sont séquestrés ! Craignant d’être à nouveau arrêté, il se réfugie à La Tour-de-Peilz en Suisse.
En juin 1874, il est condamné à payer tous les frais de reconstruction de la colonne. Il fait appel. C’est en
mai 1877 qu’il est condamné à payer 323 091 F en 33 annuités de » 10 000 F à compter du 1er janvier 1878* !! C’est pour moi l’ « hallali du
peintre » (en référence au tableau « l’hallali du cerf » de 5m sur 3m qu’il a peint en 1867).
Cet acharnement à faire payer le communard pour son engagement républicain aura des répercussions sur l’œuvre
de l’artiste : il composera ainsi des natures mortes (séries de pommes et poires) pour culminer dans une série de trois tableaux d’un réalisme sombre et inattendu mais qui traduisent sa
condition d’artiste survivant : « Les truites de La Loue ».
Gérard Désiles
* Gustave Courbet mourra la veille, le 31 décembre 1877.