subsidiarite

Publié le 13 Octobre 2017

En 2003, Hansi Brémond écrivait l'article suivant pour la Libre Pensée de la Sarthe. Au vu des débats qui ont lieu cette semaine, il nous parait intéressant de publier cet article sur notre blog. La Libre Pensée expliquait déjà le caractère clérical du drapeau de l'Union Européenne. A l'occasion d'une émission sur ce sujet en 2003, le dessinateur Stepk avait offert à la Libre Pensée 72 une caricature réalisée pendant l'émission. (voir illustration à la fin de l'article)

Une Europe vaticane

 

            Les libres penseurs sont pacifistes et pour le rapprochement des peuples :  l’union européenne pourrait nous sembler être une bonne entreprise. Pourtant l’Europe qui se construit est loin d’être laïque et s’avère même être profondément cléricale. Depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui,  les grandes religions, et plus particulièrement le catholicisme, sont très présentes dans la construction de l’Union européenne menaçant directement les déistes, les athées et les libres penseurs européens.

 

Le Vatican a besoin de l’Europe.

            Des moines de l’abbaye de Solesmes en 1981 ont édité un recueil de textes intitulé « l’Europe unie dans l’enseignement des papes ». Dans ce document on peut lire que Pie XII attribuait les guerres et les malheurs de l’Europe à « l’abandon de l’enseignement du Christ ». Selon lui, « le remède essentiel est donc le retour aux valeurs chrétiennes qui ont fait durant des siècles l’unité et la prospérité de notre continent ».

 Le 2 juin 1948, Pie XII se félicite alors de la tournure cléricale que prend l’Europe dès le Congrès de La Haye en mai 1948 ; « nous avons eu grand plaisir à lire, en tête de la résolution de la commission culturelle à la suite du congrès de La Haye en mai dernier, la mention du ‘commun héritage de civilisation chrétienne’. Pourtant ce n’est pas encore assez tant qu’on n’ira pas jusqu’à la reconnaissance expresse des droits de Dieu et de sa loi, tout au moins du droit naturel, fond solide sur lequel sont ancrés les droits de l’homme. Isolés de la religion, comment ces droits et toutes les libertés pourront-ils assurer l’unité, l’ordre et la paix ? » Dès lors l’Eglise catholique va appuyer de toutes ses forces la construction européenne en l’influençant au maximum. Elle sait très bien que l’Europe intéresse surtout les gouvernants et les industriels, elle leur propose donc de leur offrir ses 2000 ans d’expérience et son influence sur les populations pour garantir l’unité et la docilité des européens. En échange, elle attend de ces puissants qu’ils lui permettent de reprendre une place prépondérante dans la société civile.

 Dans le même moment, l’Eglise catholique tente de s’attribuer la place de représentante de toutes les religions chrétiennes (anglicans, orthodoxes, protestants) en développant la notion de « civilisation chrétienne » comme si celle-ci représentait une seule et même religion. Elle profite alors de son organisation centralisée et répartie sur toute l’Europe pour imposer son hégémonie au niveau européen.

Le Vatican, par nostalgie pour le Saint Empire Romain et l’empire de Charlemagne, attribut le prétendu chaos européen à la réforme protestante, aux révolutions du 18ème siècle et du 19ème siècle et à la philosophie des lumières. L’Union Européenne, cette organisation supranationale non démocratique puisque ne prenant que très peu en compte les aspirations des peuples, plait au Vatican qui pourra ainsi reconquérir son influence et son pouvoir politique. Ainsi, le 18 octobre 1975, Paul VI déclarait ; « L’Europe ! Il y a bien des façons de la considérer. A-t-on jamais pu parler de son unité ? Elle semble avoir été jusqu’à hier un champ de batailles continuelles. Et pourtant les tentatives d’unification politique y ont connu leur temps de gloire, si l’on songe à l’Empire romain, puis aux empires carolingien et germanique qui ont pris le relais. […]. Oui, quelque chose de commun animait ce grand ensemble : c’était la foi. Ne peut-on pas dire que c’est la foi, la foi chrétienne, la foi catholique, qui a fait l’Europe, au point d’en être comme l’âme ? La Réforme, c’est un fait d’histoire, a contribué à une dispersion. L’avènement de la science, de la technique, celui de la richesse productive ont donné lustre et puissance à l’Europe, ils ne lui ont pas redonné une âme. L’époque des révolutions a vu s’accentuer le morcellement, l’indépendance. Les nations se sont affermies dans leur diversité, en s’opposant bien souvent. »

Bien sur l’Europe sera un magnifique prétexte pour détruire la laïcité de la France ; l’Eglise catholique s’est empressée de signer des concordats avec tous les pays d’Europe de l’Est, elle prend part aux débats européens et enfin elle sait que la France fait figure d’exception avec sa loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Le 18 octobre 1998, le cardinal pierre Eyt, archevêque de Bordeaux écrivait dans la documentation catholique ; « la plupart des pays d’Europe connaissent une mise en œuvre sociale des institutions religieuses et de leur fonctionnement qui n’obéit, d’aucune façon, à ce que nous concevons en France sous le vocable d’une laïcité entendue comme attitude et comme pratique de refus et de restriction. »

 Ainsi la laïcité française serait fermée, ce serait une laïcité de  « refus et de restriction », la conclusion vient assez logiquement il faut garder le principe de laïcité en le rendant plus « ouvert », plus cool, plus détendu ; en bref on fait du principe de laïcité une coquille vide ! Le cardinal Pierre Eyt conclue ; « La laïcité est aux prises avec des transformations de notre société qui de toute façon requièrent que nous passions d’une laïcité de refus à une laïcité de respect. […] Cette mutation ne manquera pas cependant de toucher la conception générale de la laïcité. Certains des traits français de cette notion et de cette pratique seront conservés, mais, de fait, pour l’essentiel nous nous rapprocherons de ce qui se passe dans d’autres pays d’Europe. » Que ce prélat se rassure, à l’heure où j’écris, on réduit la laïcité à l’interdiction du foulard islamique dans les écoles publiques alors qu’en même temps on arrose de millions d’euros les Eglises et les écoles privées ! 

 

L’Europe a besoin des religions

            Comme on l’a vu précédemment l’Eglise catholique place beaucoup d’espoir dans la construction de l’Europe pour reconquérir son pouvoir d’autrefois, mais l’Europe a-t-elle vraiment besoin du Vatican et des religions en général ? En bref, à quoi sert une religion pour un Etat ?

            Plus haut j’ai avancé l’idée qu’une religion permettait une meilleure unité du peuple, mais qu’en pensent les gouvernants ? Napoléon qui était pourtant athée mais aussi un puissant impérialiste a très vite compris que les religions alliées aux gouvernements les renforçaient. Voilà ce qu’il disait : « Comment avoir de l’ordre dans un Etat sans religion ? La société ne peut exister sans l’inégalité des fortunes – et l’inégalité des fortunes ne peut exister sans la religion. Quand un homme meurt de faim à côté d’un autre qui regorge, il lui est impossible d’accéder à cette différence s’il n’y a pas une autorité qui lui dise : Dieu le veut ainsi, il faut qu’il y ait des pauvres et des riches dans le monde, mais ensuite et pendant l’éternité, le partage se fera autrement. C’est en me faisant catholique que j’ai fini la guerre de Vendée, en me faisant musulman que je me suis établi en Egypte, en me faisant ultramontain que j’ai gagné les esprits en Italie. Si je gouvernais un peuple de juifs, je rétablirais le temple de Salomon. »

            En effet la religion crée une meilleure unité du peuple mais ce n’est pas une unité voulue par le peuple, non, c’est une unité imposée ; C’est dans la résignation face à l’ordre divin que les religions imposent la cohésion sociale. La religion apparaît donc comme un outil précieux pour un Etat qui a besoin d’ordre social. L’Etat donne des subventions aux Eglises, laisse de la place au pouvoir à des prélats ou à de bons croyants, fait voter des lois favorables à la morale religieuse et en échange, les Eglises s’occuperont des actions sociales où l’on distribuera aux pauvres des bibles pour leur apprendre la résignation plutôt que de leur construire de nouveaux logements ou de leur donner du travail. Une fois dans une Eglise, on sait bien que les pauvres vont se résigner plutôt que de voler, se rebeller ou s’organiser politiquement pour réclamer de meilleures conditions sociales… 

            … A vous de vérifier mes propos en observant bien comment sont organisés les Etats-Unis ou comment on cherche à développer l’islam dans les banlieues en France pour que les jeunes se taisent !

 

Une Europe vaticane ! Des preuves ?

 

Le drapeau européen et les euros :

 

            Lorsque j’étais au collège, je me souviens avoir demandé à mon prof d’histoire pourquoi le drapeau européen avait 12 étoiles. Il m’avait alors répondu que chaque étoile représentait chaque Etat de l’union européenne. Dans cette logique nous aurions dû rajouter une étoile dès qu’un nouveau pays rentrait dans l’union ! ? !

            Puis un jour, en lisant un article de Bernard Mirgain dans la Raison, je me suis alors rendu compte de la vérité au sujet du drapeau. Si l’on observe attentivement de nombreuses représentations de la Vierge Marie, on constate que derrière elle, se trouve souvent un fond bleu avec 12 étoiles. Alors, là, vous allez vous dire : « ça y est, il nous fait de la parano le p’tit libre penseur ! Il voit des cathos partout ! »

            Bon, je vais donc essayer de vous convaincre. Pour ce faire, plongeons-nous dans l’histoire du drapeau européen.

             Le drapeau étoilé est adopté par le conseil de l’Europe, le 8 décembre 1955 (anniversaire de l’immaculée conception !?). Ce drapeau a été choisi parmi 101 projets, pourtant il avait déjà la préférence de certain ; M. Lévy qui était directeur au service de presse du Conseil de l’Europe, était chargé de faire aboutir ce projet du dessinateur alsacien Arsène Heitz.

            L’abbé Pierre Caillon qui était l’aumônier de l’hôpital de Cluny relate dans un mémoire, écrit en 1995, comment le drapeau européen fut adopté. On y trouve notamment des déclarations d’Arsène Heitz, le dessinateur du drapeau. Celui-ci déclara : « C’est à moi qu’on a demandé de dessiner le drapeau de l’Europe. J’ai eu subitement l’idée d’y mettre les douze étoiles de la médaille miraculeuse de la rue du Bac, sur fond bleu, couleur de la Sainte Vierge. ». L’abbé Pierre Caillon précise de M. Lévy et d’Arsène Heitz que « tous deux étaient de bons catholiques » puis il ajoute : « Evidemment, il fallait éviter d’évoquer la signification religieuse des douze étoiles et du fond bleu, en vertu de la sacro-sainte laïcité ». Arsène Heitz présenta alors son projet de la manière suivante : un drapeau « sur fond bleu du ciel d’Occident, ses étoiles d’or figurant les peuples d’Europe et formant un cercle en signe d’union ». L’Abbé Pierre Caillon précise enfin : « M. Lévy était secrètement d’accord pour faire aboutir discrètement le projet de M.Heitz en sauvant les apparences, afin de respecter la neutralité la plus absolue. Et malgré plus de cent projets qui furent en concurrence, c’est le Drapeau de la Sainte Vierge qui triompha au dernier moment ; et ce triomphe se produisit fortuitement le 8 décembre, sans que personne ait pu chercher cette divine coïncidence. Le drapeau de l’Europe est bien le drapeau de Notre-Dame, Reine de la paix ». Sachez, enfin, pour la petite anecdote que Robert Schuman et Konrad Adenauer sont allé prier ensemble à la cathédrale de Strasbourg, devant la statue de la Vierge immaculée, couronnée de douze étoiles, avant de soutenir le projet d’Arsène Heitz  devant le Conseil de l’Europe.

            Mais il n’a pas que le drapeau qui soit louche. Sortez un billet de 5, 10, 20 ou 50 euros, observez-le ; à chaque fois un pont est représenté. Pourquoi un tel choix sur chaque billet ? Que peut signifier le pont en terme de symbolique ?

            Là encore, on peut soupçonner une entreprise cléricale derrière le choix de ce symbole. Vous êtes vous déjà demander ce que signifiait « souverain pontife » ? Le pontife du latin pontifex est le « constructeur de pont » ! Troublant, non ? C’est pour cela que l’on dit faire le pont en période de jours fériés ; le pontife était un ministre du culte chargé de la gestion du calendrier des fêtes religieuses. Le pont est également un symbole de Rome, le pont qui franchit le Tibre est à son origine. Reprenons ce qu’écrit Claude Maffre, dans  la pensée laïque de juin 2003, le journal des libres penseurs du Tarn : « Dans les légendes celtiques (récits arthuriens ou traditions folkloriques) le pont est un site mythologique majeur : Pont de l’épée dans le Chevalier de la charrette, pont de verre dans le conte du Graal. De même il existe des légendes relatives au Pont du Diable (toponyme très fréquent). Le Malin construit des ponts dans l’espoir d’obtenir une âme comme salaire, mais il est berné à la dernière minute par un saint (aqueduc de Ségovie, pont de Martotell). Dans « Le Rhin », Victor Hugo rapporte une légende concernant la cathédrale de Strasbourg : le diable, en fait d’âme, avale un loup. Le diable se superpose à un personnage inspiré d’une divinité païenne, d’un géant aux pouvoirs féeriques. Un autre substitut chrétien de ce géant fée, c’est St Bénezet, dont la vie est connue par une biographie provençale du XIIIème siècle publiée en 1876. Fêté le 14 avril, à une date printanière, il construit le pont d’Avignon. Eminente figure de passeur et de Pontife (constructeur de pont), il permet aux hommes de franchir le fleuve, à la manière du célèbre St Christophe qui porte le Christ jusqu’à l’autre rive ; La figure de Charon, le passeur des âmes, hante ces légendes. Le pont devient la métaphore du passage des âmes dans l’au-delà ». Contrairement au drapeau, je n’ai pas de preuves d’une volonté cléricale dans le choix du symbole du pont, mais les faits sont tout de même troublants ! ? !

 

L’arsenal catholique à l’assaut de l’Europe.

 

            La partie précédente s’attachait surtout à révéler la présence de références religieuses dans les symboles choisis par l’Union Européenne. Cela dit, les symboles ne constituent pas une menace en soi, non, ce qui est le plus inquiétant c’est la présence grandissante des religions dans les institutions européennes. Chacun sait que le Vatican bataille fermement pour faire adopter le principe d’un « héritage chrétien commun » dans les textes européens, notamment dans la constitution avec l’aide de nombreux gouvernements (Italie, Pologne, Pays-Bas, Portugal et Espagne). Mais quels sont les moyens dont dispose le Vatican pour influer sur les décisions prises à Strasbourg ou Bruxelles ?

            La commission des Episcopats de la communauté européenne (COMECE) et la fédération des Universités catholiques d’Europe sont des instruments du Vatican pour peser au maximum sur la construction européenne, elles se sont d’ailleurs très impliquées dans les travaux pour la rédaction de la constitution européenne. Lors de l’élaboration du projet de constitution par la convention de rédaction présidée par Giscard d’Estaing (droite chrétienne), il a été décidé de consulter la « société civile ». Ont ainsi été consulté nombre d’organisations chrétiennes : Le réseau des chrétiens sociaux européens, la Commission des épiscopats de la communauté européenne et la conférence des Eglises d’Europe. Sachant qu’en même temps, le Pape en personne s’est adressé, en moins d’un an, à l’ensemble des gouvernements européens pour faire pression, on a de quoi s’inquiéter sur le contenu de cette constitution. Pensez-vous que les gouvernements italiens, polonais, néerlandais, portugais et espagnols se sont associés, pour demander la reconnaissance du principe « d’héritage chrétien commun » de leur propre chef ?

            Vous me direz qu’au moins le gouvernement français ne  pas fait partie de cette coalition cléricale. C’est vrai, mais est-il pour autant neutre vis à vis du Vatican ? Non !

            Le 26 novembre 1994, Alain Juppé alors ministre des Affaires Etrangères, a tenu le discours suivant à Rome pendant la nomination au cardinalat de Pierre Eyt (archevêque de Bordeaux) : « La vocation de la France, c’est d’abord l’Europe, la grande Europe. Croyez que l’action de la France est, en ce point, orientée dans la direction indiquée par le Saint-Siège ; Le Conseil de l’Europe (réunion des chefs d’Etat), la C.S.E (commission européenne) sont aussi des instituions auxquelles le Saint-Siège a apporté et continue de donner une contribution spécifique que je suis heureux de saluer et qui rejoint les préoccupations constantes de la France ».

            En 2000, Juppé n’est plus au gouvernement et la majorité a changé. Depuis 3 ans, la gauche plurielle est aux commandes pourtant les liens entre la France et le Vatican sont toujours très bons. Le 10 juin 2000, Alain Dejammet,  le nouvel ambassadeur de France au Vatican, c’est  à dire le porte-parole de la France auprès du Pape, déclare : «Nous sommes heureux, en particulier, que le Saint-Siège dispose au Conseil de l’Europe d’un statut qui lui permet d’exprimer son encouragement à la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans une Europe élargie, une Europe, comme votre Sainteté l’a exprimé, qui a besoin d’un visage spirituel. Conformément au souhait du gouvernement français, l’action de nos diplomaties se nourrit de contacts denses et fréquents. L’intérêt et l’efficacité de nos rapports ne cessent de se renforcer à la mesure de l’accroissement du nombre des réunions à haut niveau. En portent témoignage les successives rencontres officielles, en moins de neuf mois, du Ministre français des Affaires Etrangères avec le Secrétaire pour les relations avec les Etats joint au prestige qui rejaillit sur toute la France, de la renommée et de l’action des cardinaux et des membres français de la Curie, cet exemple d’étroite coopération entre le Saint-Siège et la diplomatie française est pour nous un précieux motif de confiance et d’espoir. » Le gouvernement et les ambassadeurs se comportent vis à vis du Pape comme de simples paroissiens à leur curé, ils se soumettent tel des brebis à leur berger. Rappelons que dans le cadre de notre démocratie  dite représentative, ils s’expriment en notre nom !

 

            On ne peut nier que le christianisme ait marqué l’histoire de l’Europe. Mais faut-il rappeler qu’il y a aussi d’autres « héritages culturels communs ». Est-il nécessaire de rappeler qu’il y avait déjà des peuples en Europe avant le christianisme et que depuis plusieurs milliers d’années ce continent s’enrichit de la culture de centaines de peuples venus du monde entier ? Que fait-on des celtes, des grecques, des romains, des germains, des invasions barbares ? Que fait-on des apports technologiques et culturels de ces peuples ? Que fait-on des apports culturels des immigrés d’Afrique ou d’Asie ? Que fait-on de la renaissance qui ne fut possible que grâce aux arabes qui ont gardé le savoir de l’antiquité pendant que l’Europe tombait dans le moyen âge (merci le christianisme) ? Que fait-on des lumières et des droits de l’homme, de la Révolution, de la République, de l’anarchisme, du marxisme, de tous les courants politiques et philosophiques qui constituent aussi l’Europe mais qui ont subit la répression religieuse ? Que faire du darwinisme, de la psychanalyse, de l’astronomie et de tous les savoirs qui nous entourent aujourd’hui parce que leurs précurseurs se sont rebellés face aux pouvoirs cléricaux ?

            Nombreux sont ceux dans les couloirs des institutions européennes qui ont la mémoire courte. Faut-il leur rappeler la christianisation forcée des peuples (en Europe puis dans le monde entier pendant la colonisation), faut-il leur expliquer ce qu’étaient les croisades, l’inquisition, la contre réforme et les guerres de religion ? Faut-il leur dire que l’Eglise catholique qui pourtant tente de récupérer les droits de l’homme, les a d’abord condamnés et qu’aujourd’hui encore le Vatican n’a toujours pas ratifié la charte des droits de l’Homme de 1948 ! Faut-il leur faire un cours d’histoire sur l’Eglise catholique et ses liens avec les dictatures fascistes, nazies, franquistes et les dictatures d’Amérique du Sud ?

            Aujourd’hui l’Europe devient une menace pour la liberté de penser et de s’exprimer, l’avenir ne sera pas rose pour les libres penseurs, les athées, les non-croyants. Il apparaît de plus en plus urgent de militer pour la séparation des Eglises et des Etats au niveau de l’Union Européenne. Quant à la culture commune, il serait plus simple de rapprocher les peuples d’Europe et d’ailleurs, en favorisant les échanges : donnez-nous des vraies bourses d’études pour partir étudier dans toute l’Europe, on la créera la culture commune !

                                   

                       

Hansi Brémond

 

 

 

Sources :

Manière de voir n°48 (Monde diplomatique)- « l’offensive des religions »-nov-dec 1999

La Raison n°427- Janvier 1998- « les papes et l’Europe » par C. Eyschen

La Raison n°429- Mars 1998- « L’Europe et le Vatican, quel héritage commun ? par C. Eyschen

La Raison n°448- Février 2000- « Histoire du drapeau de l’Europe » par Bernard Mirgain

La pensée Laïque (LP Tarn) n°6- juin 2003- « L’Euro et le pont symbolique » par Claude Maffre

Bulletin LP Sarthe n°65- 1er trimestre 2003- « le Vatican et l’Europe » par André Frey

Bulletin LP Sarthe n°55- 3ème trimestre 2000- « La collusion Vatican gouvernement » par André Frey

 

 

Une Europe Vaticane

Voir les commentaires

Rédigé par Libre Pensée 72

Publié dans #laïcité, #Subsidiarité, #Christianisme

Repost0

Publié le 3 Novembre 2007

Christian BAQUÉ responsable de la Fédération de la Gironde de la Libre Pensée, s’entretient avec Joachim SALAMERO, président d’honneur de la Fédération Nationale, et président actif de 1996 jusqu’à notre Congrès national au mois de juillet de cette année.
 

Christian Baqué : Nous allons aborder ce matin quelques aspects d’un thème plus général, la démocratie. Je dis bien quelques aspects, car la question est vaste…

 

Mais si nous définissons la démocratie comme le gouvernement du peuple par le peuple, comme le système politique permettant, à partir de chaque individu, de chaque citoyen, qui manifeste son opinion, sa ou ses revendications, de donner mandat, délégations à ses représentants, d’exercer un contrôle permanent, peut on dire que ce principe de délégation représentative est aujourd’hui réellement pratiqué ? Qu’en penses-tu ?

 

Jo Salamero : Je pense qu’il n’est pas pratiqué, et que nous en sommes même très loin. Tu viens d’évoquer, rapidement, un système qui ressemble fort à celui instauré par la Commune de Paris en 1871, et qui reste pour nous, libres-penseurs, un modèle, une référence. La démocratie politique est un système ascendant, de la base au sommet. Tout part du citoyen qui associé aux autres citoyens, à travers les diverses instances mises en place, élabore les orientations et les décisions. Or nous vivons depuis quelques années sous un autre système qui lui très exactement opposé, basé sur le principe fondateur de la doctrine sociale de l’Eglise catholique, le fameux principe de subsidiarité. Selon ce principe, que toutes les encycliques revendiquent comme un mode d’organisation de la société, c’est l’autorité supérieure qui décide et qui octroie aux groupements inférieurs la liberté de gestion pour exécuter ce qu’elle a décidé. Mais les citoyens n’ont pas participé à la décision, à son élaboration.

 

Christian Baqué : Mais la subsidiarité n’est-elle pas un des principes fondateurs des institutions de l’Union Européenne ?

 

eu8.jpgJ. S. : Bien entendu. C’est ainsi que notre ami René Andrau, dans son excellent ouvrage publié en 2002, et intitulé « Dieu, l’Europe et les politiques », nous rappelle très justement, et je le cite : que « l’Europe ne se construit pas à partir d’un principe hérité de l’humanisme de la renaissance, de la philosophie des Lumières, du romantisme social, ou des combats du XXème siècle pour la liberté. Elle se construit autour d’un concept du droit canon, le principe de subsidiarité. » Nous reviendrons sur l’Europe, ou plus exactement sur l’Union européenne, dans quelques instants. Mais ce principe, que l’on peut faire remonter à Thomas d’Aquin, est notamment très clairement explicité dans l’Encyclique « Quadragesimo Anno », publiée en 1931, dans laquelle nous lisons « que l’autorité abandonne aux groupements de rangs inférieurs le soin des affaires de moindre importance où se disperserait à l’excès son effort, elle pourrait dès lors assurer plus librement plus puissamment plus efficacement les fonctions qui n’appartiennent qu’à elle seule parce qu’elle seule peut les remplir : diriger, surveiller, stimuler, contenir, selon que le comportent les circonstances ou l’exige la nécessité. Que les gouvernements en soient bien persuadés, plus parfaitement sera réalisé l’ordre hiérarchique des divers groupements, selon le principe de la subsidiarité, plus grande seront l’autorité et la puissance sociale. »

 

Dans une Encyclique, chaque mot a son importance. Nous avons bien entendu les attributions des fonctions : l’autorité nous abandonne les affaires de moindre importance car elle seule peut diriger. Rappelons également que c’est cette encyclique qui fait l’éloge du fascisme italien, de son système corporatiste.

 

Or ce principe de subsidiarité est repris dans l’article 3B du traité de Maastricht qui le consacre comme principe fondateur du droit communautaire. Il en a été beaucoup question dans le cadre de la préparation du Traité constitutionnel soumis à referendum le 29 mai 2005. Mais aussi par exemple, au moment de la révision constitutionnelle d’avril 2003 quand le Premier Ministre, M. Raffarin, déclare à propos de cette révision constitutionnelle, qu’il s’agit de « transposer la préoccupation qu’exprime en droit communautaire le principe de subsidiarité. »

 

Rappelons, en ce qui concerne les études, les réunions préparatoires à l’élaboration du projet de traité constitutionnel, que M. Giscard d’Estaing, qui présidait ces instances, disait « les principes de subsidiarité seront affirmés de manière précise ». Citons un grand spécialiste de la subsidiarité, M. Jacques Delors : « avec ce concept de la subsidiarité, nous rejoignons à la fois les encycliques sociales catholiques et la tradition protestante. » Et, bien entendu, n’étant pas en reste, la Conférence des évêques d’Europe soulignait l’importance du principe de subsidiarité et recommandait vivement sa reconnaissance dans la constitution qui était en projet.

 

Dans la pratique, cela signifie, par exemple, que la Commission de Bruxelles décide, décrète des directives, que les Parlements nationaux sont chargés de transcrire, purement et simplement dans le droit national. Droit national qui est désormais totalement subsidiaire du droit communautaire.

 

Avec ce système là, effectivement, qui s’applique tous les jours, nous sommes loin, très loin, de la démocratie ! Et il est certain que le traité dit « simplifié » reprendra les mêmes dispositions antidémocratiques.

 

Ch. B. : Le Congrès de la Fédération Nationale de la Libre Pensée qui s’est réuni il y a quelques jours à Clermont Ferrand a évoqué ces questions ?

 

J. S. : Bien sûr. Et ce n’est pas la première fois que nous les évoquons. Dans les années 1950, dès le Traité de Rome, nous avons qualifié cette construction européenne « d’Europe vaticane. » En 1992, nous avons dit que le Traité de Maastricht était foncièrement antidémocratique parce qu’il reprenait ce principe comme principe de base de construction. Pendant la campagne référendaire de 2005, nous avons fait campagne pour le NON, en faisant le lien entre le traité et la doctrine sociale de l’Eglise, doctrine que nous confirmons comme étant antidémocratique.

 

Amis auditeurs, permettez moi de vous recommander la lecture de l’ouvrage déjà cité de notre ami René Andrau, ou encore les actes de notre Colloque international d’Avignon, en 2000, mais aussi le numéro récent de notre revue trimestrielle L’Idée Libre, consacré à la doctrine sociale de l’Eglise catholique, qui traite de ces questions. Toutes ces publications, bien entendu, sont en vente au siège de la Fédération Nationale de la Libre-Pensée.

 

Rappelons également, ce n’est pas inutile par les temps qui courent, que les constitutions et les chartes du travail, chez Salazar, Franco, Mussolini, Pétain, sont toutes basées sur ce principe de subsidiarité de l’Eglise catholique, en matière de relations sociales entre patrons et salariés ; et que, par exemple, une de leurs caractéristiques est de faire des organisations syndicales ouvrières, et professionnelles patronales, de simples organes d’exécution des décisions de l’Etat. La Charte du Travail de Pétain prévoyait que « devenus de véritables autorités administratives, les syndicats seront soumis au contrôle dit de tutelle de l’Etat. » Eh bien aujourd’hui nous disons que tout programme politique quel qu’il soit, tendant à faire des organisations syndicales et patronales non seulement des associés, mais des structures corporatistes subsidiaires, exécutant des décisions étatiques, elles-mêmes prisonnières des décisions de Bruxelles et de la Banque centrale européenne, tout programmes politiques fondés sur ces principes de subsidiarité sont l’opposé de la démocratie politique, et, sur son terrain, en toute indépendance, notre association, la Libre Pensée, continuera de les dénoncer et de les combattre.

 

Ch. B. : Nous pouvons donc poser la question à tous ceux, à toutes celles qui, dans les milieux politiques, se proclament d’ardents défenseurs de la démocratie :

 

Comment peut-on prétendre construire, consolider, développer une véritable démocratie, avec une institution, une Eglise, dont toute l’organisation est hiérarchisée de haut en bas, une institution anti démocratique, qui se considère seule détentrice de la vérité, comme vient de le proclamer, il y a une semaine, le Vatican ?

 

Et comment est-il possible un seul instant de collaborer avec cette institution qui n’a de cesse de combattre, par exemple, ce fondement de la démocratie et de la République que représente la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 ?

 

Deux remarques à ce propos. Tu as expliqué le principe de subsidiarité. En effet le principe de subsidiarité est une machine à détruire la République.

 

Pour nous la République est Une et Indivisible, garante des droits et devoirs de chacun. Pour d’autres, pour l’Union européenne, elle est à jeter aux oubliettes de l’Histoire. Les tentatives de parcellisation se sont enchaînées depuis des années : lois sur la décentralisation, création des « pays », des « territoires », charte des langues minoritaires et régionales, ghettoïsation des banlieues, désertification des zones rurales… Les droits ne seraient plus les mêmes, chaque territoire concurrençant son voisin, supprimant les droits acquis, nivelant tout par le bas…

 

Seconde remarque, concernant la loi de 1905. Notre Congrès a réaffirmé que la loi de Séparation est et reste le socle de la laïcité institutionnelle de ce pays. C’est elle qui garantit l’exercice de la liberté de conscience, ainsi que l’interdiction de tout financement public des Eglises et des religions, car elle n’en reconnaît aucune.

 

Nous connaissons les entorses que constituent toutes les lois anti-laïques dont nous demandons l’abrogation. Nous en avons fait état lors de nos « inventaires laïques », en préparant les Etats généraux de la laïcité, en décembre 2006. Et nous avons chiffré leur coût pour la République : il est important ! N’oublions pas, et la liste est longue, que subsistent également le statut concordataire d’Alsace Moselle, qui coûte annuellement 33 millions d’euros à l’Etat, les concordats d’outre mer, les dispositions de la loi Pétain du 25 décembre 1942.

 

C’est aussi pour cela que notre Congrès a approuvé la lettre aux maires, aux conseillers municipaux, et aux candidats aux élections municipales pour l’abrogation de l’article 89 de la loi du 13 août 2004. Celui-ci impose aux communes de contribuer aux frais de scolarité des élèves des établissements privés sous contrat du 1er degré situés hors de leurs limites territoriales. L’occasion pour nous de rappeler le principe laïque très facilement, trop facilement, oublié par les gouvernements successifs depuis des décennies : Fonds privés à l’école privée, Fonds publics exclusivement à l’école publique !

 

J. S. : Cette loi de 2004 confirme bien l’accélération de l’offensive de remise en cause de la laïcité institutionnelle.

 

Ch. B. : En effet, tu as cité tout à l’heure l’Union européenne, laquelle mène une campagne permanente contre la laïcité.

 

europe.JPGEh bien le mini traité européen en discussion, prévu pour remplacer le Traité constitutionnel massivement rejeté, et pas seulement par le peuple français, en mai 2005, ce mini traité conserve le contenu de l’article 52 qui, définissant le statut des Eglises, octroie des privilèges exorbitants et anti démocratiques aux religions.

 

Il s’agit de la réponse favorable à la déclaration du Congrès de la Commission des Conférences Episcopales de la communauté européenne, je cite : « l’Europe doit prendre conscience de ses propres racines chrétiennes et du rôle public des religions ».

 

Notons au passage que la Présidence de l’Assemblée du Conseil de l’Europe vient de refuser d’inscrire à l’ordre du jour le rapport de 18 parlementaires de divers groupes politiques consacré aux dangers du créationnisme dans l’éducation.

 

Une volonté d’empêcher le débat alors que le créationnisme menace plus d’un tiers des pays d’Europe. Le créationnisme veut, entre autres, éradiquer la théorie de l’évolution et comme le souligne le rapporteur, l’ancien ministre Guy Lengagne, nous ramener au Moyen Age. Les créationnistes de toute confession cherchent à imposer leurs idées en Europe à partir de trois centres de diffusion :

 

- les Etats Unis où prospèrent les sectes protestantes,
- la Turquie et les réseaux islamistes,
- et de façon récurrente, le Vatican, à sa manière feutrée et cauteleuse.

 

J. S. : Le combat, notre combat pour la séparation, en France, et dans tous les pays d’Europe, est bien un combat d’actualité.

 

Ch. B. : Sans aucun doute ! Libres Penseurs, nous nous prononçons pour la liberté absolue de conscience de chaque individu, nous en tirons comme conséquence qu’il faut la défendre là où elle existe mais est menacée, la conquérir là où elle n’existe pas. Pour nous la séparation des Eglises et des Etats (ce qu’en France nous appelons la laïcité institutionnelle) est la condition pour pouvoir pratiquer cette liberté de conscience. C’est aussi une nécessité pour un fonctionnement démocratique des sociétés. Démocratie politique et laïcité sont complémentaires, indissociables. L’une ne va pas sans l’autre.

 

Et à l’heure où le nouveau président de la République affirme son soutien et son appartenance au catholicisme, la vigilance est indispensable. Sarkozy cherche, sous prétexte « d’aménagement » et de « mises à jour », à réviser la loi de 1905. N’avait-il pas déjà indiqué à l’hebdomadaire « Familles chrétiennes » que le christianisme (je cite) « participe de manière essentielle à l’identité nationale » ? Et insisté sur « les racines chrétiennes de l’Europe » ?

 

Le Vatican s’en est félicité. Le bras droit du pape, Tarcisio Bertone, déclare « Nicolas Sarkozy s’est déplacé un peu partout en Europe, et je vois que la France est aussi en train de changer ses orientations et ses positions sur ce thème. C’est une bonne chose, car une saine laïcité peut aussi être parfaitement compatible avec la reconnaissance de ses racines, de ses origines chrétiennes et de sa propre identité chrétienne ».

 

Les cléricaux n’ont jamais accepté d’être relégués au domaine du privé. Attention donc à l’occasion de la venue du pape en France au printemps 2008 : l’argent de la République ne peut être utilisé pour financer la visite du pape !

 

D’où l’initiative de notre Congrès national de proposer aux associations françaises, membres, avec la Libre Pensée, de l’Union Internationale Humaniste et Laïque, (Ligue de l’Enseignement, Union Rationaliste, AFIS, Mouvement Europe et Laïcité) de lancer un appel pour la tenue d’un rassemblement laïque et international, au moment de la venue en 2008 de Benoît XVI en France, contre le financement public de la visite du pape et pour la laïcité en Europe.

 

Une information pour conclure : il y a 160 ans, dans les premiers mois de l’année 1848, une vague révolutionnaire sans précédent parcourait les principales villes des différents Etats d’Europe. En 1848, les premiers cercles de la Libre-Pensée voyaient le jour. Eh oui, en même temps que le « printemps des peuples », apparaissait la Libre Pensée comme forme organisée !

 

C’est cet anniversaire que nous fêterons les 22, 23, 24 mars à Paris, lors d’un colloque international organisé par l’IRELP, l’Institut de Recherche et d’Etudes de la Libre Pensée. La séance d’ouverture se tiendra au Sénat le 22 mars, et, la veille, vendredi 21, il sera précédé par le banquet de plusieurs centaines de convives en hommage au 140ème anniversaire du premier banquet du vendredi « dit-saint » en 1868, organisé par Sainte-Beuve contre tous les interdits religieux.

 

La Libre-Pensée appelle tous les laïques, tous les républicains, tous les démocrates, à se regrouper, à s’unir, pour le respect et la restauration de la loi de 1905.

 

Nous sommes convaincus de l’attachement de la majorité des citoyens de ce pays à la laïcité, à la séparation des Eglises et de l’Etat.

Voir les commentaires

Rédigé par Libre Pensée 72

Publié dans #Subsidiarité

Repost0