Publié le 22 Mars 2023
anticapitalisme
Publié le 1 Novembre 2020
« Il est plus facile de nous ôter la vie que de triompher de nos principes » Robespierre.
Suite à l’assassinat de Samuel Paty, voici le communiqué publié par notre Fédération Nationale suivi de quelques réflexions personnelles.
« La Libre Pensée est saisie d’effroi devant le crime barbare contre
l’enseignant Samuel Paty. Elle assure sa famille, ses proches, ses collègues,
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ses amis de sa profonde empathie dans ce drame. La Libre Pensée leur témoigne sa profonde solidarité dans cette cruelle épreuve. La Libre Pensée condamne fermement et énergiquement cet acte odieux d’un fanatique religieux qui s‘ajoute à d’autres assassinats commis par des religieux épris de haine envers l’Humanité.
Le dimanche 18 octobre 2020, la Libre Pensée était présente dans les rassemblements qui ont eu lieu.
Nous y étions, car tuer un être humain, c’est assassiner l’Humanité toute entière.
Nous y étions, car chaque être humain porte l’entière condition humaine.
Nous y étions, sans ostentation ni publicité, simplement par respect et solidarité dans une discrétion assumée.
Nous y étions pour marquer notre refus absolu que la chaine d’union de l’Humanité soit séparée d’un de ses maillons
Nous y étions, parce que la Fraternité doit toujours être plus forte que le rejet de l’autre
Nous y étions, mais pas avec les porteurs de haine qui utilisent ce drame épouvantable pour marquer de leur xénophobie une partie de la population qu’ils vouent aux gémonies.
Nous y étions, pour rendre hommage à cet enseignant dévoué à son métier qui est d‘instruire, c’est-à-dire de construire des êtres humains conscients, libres d’assurer leurs destinées.
Nous y étions, mais pas avec ceux qui parlent des autres pour mieux parler d‘eux-mêmes et se faire de la publicité à bon compte.
Nous y étions, parce que nous voulons un monde meilleur où chacun peut avoir sa place dans l’égalité de tous.
Nous y étions, mais pas avec ces médias, tels des vautours, qui s‘abreuvent du sang des victimes pour accroitre leurs audiences et qui donnent un perchoir toujours plus grand aux corbeaux de mauvaise augure porteurs de haine et xénophobie croissante.
Nous y étions, car la liberté, en premier lieu, la liberté de conscience et d’expression est notre bien le plus précieux.
Nous y étions, mais pas avec les croque-morts qui se drapent dans les linceuls des autres pour mieux s’auto-glorifier et pour mieux justifier leur politique réactionnaire.
Nous y étions, car le véritable tombeau de Samuel Paty sera toujours dans le cœur de celles et de ceux qui l’ont aimé et dans la mémoire de celles et de ceux qui se souviendront de lui. Les Egyptiens dans la Haute-Antiquité pensaient qu’il y avait deux morts, d’abord quand l’âme quittait le corps et quand mourait la dernière personne qui avait prononcé votre nom.
Nous y étions, pour que le nom de Samuel Paty ne s’efface jamais dans nos mémoires et dans nos cœurs.
Nous y étions…. Pour plus jamais cela.
Paris, entre peine et solidarité, le 18 octobre 2020 »
Tous républicains ?
Depuis les déclarations des uns et des autres s’enchaînent, de la gauche à l’extrême droite, tous, la main sur le cœur, s’empressent de saluer l’homme, le héros de la République, assassiné par la barbarie en défendant les valeurs de la République. Tous saluent le travail des enseignants. Nous sommes, nous aussi, devenus des héros qu’on applaudit comme les soignants. Celles et ceux qui détruisent nos écoles publiques, nos hôpitaux, nos statuts, nos retraites, qui gèlent nos salaires, qui orientent nos hiérarchies contre nous, celles et ceux qui nous raillent toute l’année, celles et ceux qui détruisent les services publics, la laïcité, et la République, s’empressent d’affirmer leur attachement à l’école, aux valeurs de la République et à la liberté d’expression. Certains LREM osent même affirmer que le gouvernement a « choyé » ses profs !
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La macronie participait aux applaudissements des soignants au printemps dernier. Quand on sait que les fermetures de lits d’hôpitaux continuent, que les primes Covid ne sont pas versées à tous les soignants et que les conditions dans la santé continuent de se dégrader, on a de quoi prendre peur face à ces hommages aux enseignants…
D’ailleurs, plusieurs reportages et autres débats, diffusés ces derniers jours, ont de quoi inquiéter les enseignants. On affirme ainsi que des enseignants ne sont pas formés à la laïcité, que d’autres s’autocensurent… Deux jours après l’assassinat, j’entendais Natacha Polony déclarer qu’il fallait faire lire Rabelais aux élèves !
On sous entend ainsi que nous ne faisons pas correctement le boulot et qu’une partie de la responsabilité nous est imputable… et puis, qui peut croire, un instant que ce barbare de 18 ans nourri à la haine et à l’intégrisme islamiste ne serait que le produit d’une « mauvaise » éducation scolaire ? « Il n’a pas lu Rabelais ? Faites gaffe quand même ! »
Serait-ce encore aux enseignants de se remettre en cause ? Depuis des décennies le discours est toujours le même ; ce serait à l’école de gérer tous les maux de la société et d’assurer toutes les carences de la société.
Avec l’affaiblissement des services publics et la fermeture de nombreuses structures, les agents de l’Etat dont les profs sont devenus les derniers soldats d’une armée censée défendre une République, elle-même attaquée par son propre état-major, et ce, depuis des années.
Peut-être, est ce, en partie, ce qui explique pourquoi il y a, en moyenne, un suicide de prof par semaine ?
Tous pour la liberté d’expression et la liberté de conscience ?
Alors, souvent, les profs, manifestent, font grève, ils veulent être mieux considérés, mieux payés, ils veulent maintenir, leur statut, leurs acquis et améliorer un système scolaire en difficulté. Logique non ?
C’est pourquoi, nos dirigeants, ces grands défenseurs de la liberté d’expression, ont fait passer une loi « pour une école de la confiance » dont l’article premier limite la liberté d’expression des enseignants au nom de leur nécessaire exemplarité. On nous a empêché de communiquer avec des parents d’élèves pour les informer du contenu de la réforme des lycées. La semaine même où notre collègue a été décapité, des profs syndicalistes passaient en conseil de discipline pour « contestation de la réforme des lycées entre 2018 et 2020 » !
La liberté d’expression, c’est aussi le droit de manifester ! Toutes ces manifs réprimées, interdites, tous ces manifestants tabassés depuis la contestation de la loi El Kohmri, en passant par les gilets jaunes et toutes les manifs depuis, est-ce le travail de gouvernements qui défendent la liberté d’expression ? Et ces lycéens matraqués, arrêtés, jugés et agenouillés par des CRS ? Est-ce une leçon d’éducation morale et civique sur la liberté d’expression ? ! Et ces épreuves anticipées du Bac qui ont eu lieu en janvier dernier sous contrôle de la police ?
La vérité, c’est qu’il y a des hommages à Samuel Paty parce qu’il a été assassiné par un islamiste ! Quand des profs se suicident, il n’y a ni hommage, ni reportage, ni débat. Un islamiste a tué un prof, les gouvernements successifs tuent l’école publique !
A droite et à l’extrême droite, on défend la liberté d’expression et l’esprit Charlie quand il s’agit de « casser de l’arabe », souvenons-nous que les mêmes soutenaient bien souvent l’AGRIF (Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française) dans ses procès contre Charlie Hebdo dans les années 90 et 2000 quand les dessinateurs s’en prenaient au pape ou à l’Eglise. Ils ne lisaient pas Charlie Hebdo à cette époque !
Avant l’attentat de 2015, des politiques de gauche comme de droite s’en prenaient à Charlie Hebdo. Ce fut le cas de Rama Yade, Brice Hortefeux ou encore Laurent Fabius dans le début des années 2010 quand Charlie Hebdo relayait déjà des caricatures de Mahomet. Et aujourd’hui, ils sont tous Charlie…
Même son de cloche du côté de l’Eglise catholique. N’oublions pas les manifs de catholique contre la pièce de théâtre « sur le concept du visage de Dieu » dans ces mêmes années. Dans notre bulletin de décembre 2011 j’écrivais ceci : « le 10 novembre dernier, le journal Ouest France publiait en édito un texte de Guy Coq qui commençant par dénoncer les agissements des fanatiques religieux, se concluait par des propos justifiant la censure (ou l’autocensure) des artistes pouvant choquer les croyants. Il écrivait alors « Quand j'essaie d'écouter le Seigneur dans ma prière, j'entends à peu près ceci : « N'oublie jamais que le pire qui puisse arriver à l'Evangile c'est de tomber dans l'indifférence. » Aussi longtemps que l'Evangile demeurera signe de contradiction et non d'approbation tiède, et sera jugé digne de susciter le blasphème, la violence même, il y aura de l'espérance pour le renouveau de la foi. Mais après, me tournant vers l'écrivain qui s'en prend au christ, je lui dirai : « Tu dis ne pas croire en Dieu, au Christ, alors que tu sais bien que tes agressions ne susciteront aucune réaction du côté de ce... néant ! Cependant, peux-tu imaginer qu'il y a des humains pour qui tes paroles sont une grande souffrance ? Je te crois capable de l'imaginer. Ces gens-là, tu ne les connais pas. Oh, ce sont pas ceux qui viennent bousculer son théâtre. Ce sont des consciences sincères qui ne comprennent pas qu'on puisse traiter le Christ de cette façon. Imagine ta réaction si un être très cher pour toi était publiquement traîné dans la boue, insulté, accablé de haine. Trouverais-tu cela supportable ? Au minimum, n'irais-tu pas trouver l'auteur des insultes pour lui demander un peu de respect et, avant tout, de s'excuser ? » Extrémistes ? Modérés ? Deux méthodes, un seul objectif ; reprendre le contrôle de nos corps et de nos consciences. »
Les libres penseurs le savent ; toutes les religions sont dangereuses, tous les livres sacrés contiennent une
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idéologie sexiste, réactionnaire, dogmatique et totalitaire. Toutes méritent d’être combattues à coup de dérision, d’argumentations, de progrès intellectuels, scientifiques et sociaux ! Tout cela dans le respect de la liberté de conscience de chacun. Il s’agit d’un combat. Quant aux règles de la République dont la laïcité, elles doivent être appliquées à tous et toutes à égalité sans principe à géométrie variable qui s’appliquerait pour les uns et non les autres !
Les pseudos laïques dénoncent le « séparatisme » des musulmans qui ont leurs propres associations, leurs propres écoles, leurs propres publications, qui prient en langue étrangère, où qui ne partagent pas les valeurs de la république… ces laïques voudraient plus de « laïcité » en interdisant les voiles, en interdisant les écoles coraniques…
Etrangement, ils n’ont rien à redire sur ces écoles privés chrétiennes qui nous coûtent 10 milliards d’euros par an, qui diffusent des brochures anti IVG, qui amènent des gosses dans des manifs contre les droits des homos ? Qu’ont-ils à déclarer au sujet de ces départements concordataires où la laïcité ne s’applique pas du tout ?
Où étaient-ils pour dénoncer le saccage du centre-ville du Mans en décembre 2019 par des jeunes de l’Action Française ? Ont-ils dénoncé les agissements des 10 étudiants de l’Institut Catholiques d’Etudes Supérieures qui ont attaqué le village associatif LGBT à la Roche-sur-Yon le 18 mai 2019 ?
Pour lutter contre l’islam, le gouvernement instaure une loi qui affaiblit les libertés républicaines. Avec la loi sur le séparatisme on parle d’interdire tout discours, toute association contraire à la République…
On ne pourra plus contester l’Etat ? Une forme d’Etat ? Des valeurs républicaines ? Lesquelles ? Et puis quelle république ? Ma conception de la République ? Celle de nos dirigeants ? Sont-ce des républicains ? Ne confondent-ils pas nationalisme et République ? Sommes-nous encore dans la liberté de conscience ?
Nous affirmons, avec Rosa Luxembourg « La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement ».
Zemmour est bien libre de vomir sa haine et de mentir chaque jour sur C news !
« Il est plus facile de nous ôter la vie que de triompher de nos principes »
Robespierre…
Dans une fuite en avant délirante, faite de surenchères sécuritaires, réactionnaires voire totalitaires, nos dirigeants, ex dirigeants et nombre de ceux qui prétendent nous diriger un jour, nous sortent des affirmations plus dangereuses et tordues les unes que les autres !
Il est ainsi question de virer Nicolas Cadène, rapporteur général de l’observatoire de la laïcité. Sa conception de la laïcité s’appuie sur la loi de 1905, elle ne correspond donc pas à la « laïcité » du gouvernement.
Darmanin, de son côté, annonce son opposition aux rayons « communautaristes » ! C’est bien connu, les terroristes se sont radicalisés en achetant du couscous chez Carrefour !
Fillon affirme de son côté « une partie significative de la communauté musulmane refuse de s'intégrer, d'accepter les règles de la République et de la vie en commun. » Pas mal pour un condamné qui a confondu servir et se servir !
Fillon fustige également l’enseignement de l’arabe... Expression hallucinante d’associations d’idées plus saugrenues les unes que les autres … Arabes = musulmans=islamistes=attentats… Interdisons également les cours d’anglais dont on sait qu’ils obligent chaque jeune français à prêter allégeance à la reine d’Angleterre !
Le même Fillon déclare dans l’express « Il faut nommer les choses et avoir le courage de dire qu'il y a un problème avec la religion musulmane, et non avec les autres »… Qu’un catholique fonce, le 15 septembre dernier, sur une terrasse de café à Besançon en affirmant qu’une voix lui parle, et lui dit que c’est impossible de boire « comme ça à proximité d’un édifice religieux »… n’a rien à voir avec la folie de certains musulmans… Quasiment aucun traitement médiatique ou presque1 puisque le fou n’est pas musulman.
Blanquer dénonce les « islamo-gauchiste » qui seraient responsables de la situation. Un mois avant, le même combattait les mini jupes et des crop top dans les lycées, comme autant de menaces à la République !
D’autres souhaitent l’application immédiate de la loi Avia ; les réseaux sociaux seraient responsables de la mort de Samuel Paty puisque le parent d’élève qui attaquait samuel Paty a utilisé ceux-ci pour protester. Faut-il interdire toute parole, toute publication qui pourrait inciter un fou à passer à l’acte ? Dans ce cas, pourrons-nous demain, au nom de ce principe de précaution, encore diffuser des dénonciations de politiques corrompus ? De scandales financiers ? De scandales politiques en France ou à l’étranger ? Allons-nous confier les limites de la liberté d’expression à facebook et tweeter ?
Quand à Valls, le social-franquiste, il affirme qu’il faut « changer la constitution » pour « éradiquer l’islamisme ». Il avait moins de réticence à serrer la main des saoudiens en 2015 pour leur vendre des contrats à 10 milliards.
C’est tout le paradoxe de nos dirigeants. Ils sont pour la liberté d’expression en contraignant les manifestations, ils sont contre l’islamisme en France mais vendent des armes aux plus grandes théocraties islamistes du monde, ils luttent contre le voile en France (comme Elisabeth Badinter2 ou le Rassemblement National3) tout en acceptant les sous des Emirats et des Saoudiens, ils dénoncent les « islamo-gauchistes » qui manifestent quand une mosquée reçoit des coups de feu mais sont étrangement silencieux sur les agissement du cimentier Lafarge en Syrie…
Pourquoi cette tentative de redéfinition-destruction de la laïcité ?
-Certains se situent sur le même terrain que les islamistes mais dans un autre camp. Ils veulent une guerre des civilisations ? D’où ce détournement de la laïcité qui deviendrait un instrument chrétien anti musulman…Les extrêmes s’opposent et s’alimentent les uns les autres. Qui profitent des attentats pour se refaire politiquement ?
-Pour diviser la nation en communautés et ainsi « mieux régner »… Il ne faudra tout de même pas que le peuple s’unisse pour satisfaire ses intérêts !
-Pour des raisons électorales, il vaut mieux parler sécurité, immigration, islam… que travail, économie, retraite, aides aux plus pauvres… surtout quand on est responsable du désastre social !
- Pour transformer la République, et ses principes en autre chose… Si la République, même bourgeoise, ne permet plus la domination des salariés par la bourgeoisie, celle-ci laissera tomber ce régime. C’est déjà ce qu’il s’est passé dans la décennie qui a suivi la crise de 1929.
Aussi, pour vaincre le terrorisme islamiste, ne faudrait-il pas des politiques que nos élus ne veulent pas mettre en place ? Rétablir les services publics, engager un réel travail pour « détruire » les ghettos, permettre à tout le monde d’accéder à un vrai logement, de gagner sa vie avec un vrai salaire et un vrai travail, arracher les jeunes aux extrémistes qui les engrainent, embaucher plus de travailleurs sociaux, de profs, créer des services publics aider les populations marginales ou marginalisables, aider à sortir les jeunes de leur milieu… etc...
Pour que les profs soient réellement « choyés » ne faudrait-il pas commencer à dégeler le point d’indice, autrement dit, les augmenter et embaucher plus de personnels ? Même chose pour les soignants ! La République pour se renforcer a besoin d’une armada de profs, d’agents de la fonction publique, de psychologues, de travailleurs sociaux, de policiers de proximité (et pas des cow-boys chargés de taper du manifestant), de services de renseignement efficaces (affaiblis sous Sarkozy4) de juges, d’assistantes sociales, d’infirmiers, de médecins, de services publics… et surtout pas d’être dirigée par des maurassiens qui portent la cocarde tricolore pour mieux détruire la République de l’intérieur !
Les terroristes s’attaquent aux démocraties, aux libertés, à la liberté de conscience, au droit qu’à chacun de vivre en société à égalité avec les autres quels que soient son sexe, ses origines, sa religion ou ses options philosophiques. Vu les réactions du gouvernement et d’une bonne part des politiciens de ce pays on a l’impression que les terroristes gagnent la partie. Plus on attaque nos libertés, plus nos dirigeants les limitent !
On ne combat pas les ennemis de la démocratie en se torchant le derrière avec les principes fondamentaux de la démocratie. On n’impose pas la République et la liberté par la force !
« Personne n'aime les missionnaires armés ; et le premier conseil que donnent la nature et la prudence, c'est de les repousser comme des ennemis. » Robespierre
Hansi Brémond
2 https://www.challenges.fr/media/ces-communicants-que-l-arabie-saoudite-paie-a-prix-d-or_624298
3 https://www.marianne.net/politique/comptes-de-campagne-ces-8-millions-venus-des-emirats-qui-ont-sauve-le-fn-en-2017
4 https://www.courrierinternational.com/article/terrorisme-comment-la-reforme-de-sarkozy-affaibli-les-renseignements-francais
Publié le 8 Avril 2020
Ce texte de Gérard Désiles a été diffusé dans les deux bulletins 2019 de la Libre Pensée de la sarthe
L’OR ROUGE ; Historique de la transfusion sanguine (1ère partie)
Un livre « L’or rouge et la transfusion sanguine, Normandie 44 » de Philippe Bauduin (éditions Cheminements) paru en 2007, et un documentaire télé de Philippe Baron (2014) : « L’or rouge, la bataille du sang » m’ont fait découvrir un sujet passionnant mais méconnu.
Quelques dates significatives dans les découvertes successives…
1492 : le pape Innocent VIII est victime d’une attaque et sombre dans le coma. On lui aurait ingurgité ou on lui aurait transfusé le sang de trois jeunes garçons d’une dizaine d’années. Bilan : 4 décès.
1616 : Un médecin anglais William Harvey découvre que « le sang sert à transporter quelque chose, mais on ne sait pas quoi».
1628 : Il décrit la circulation du sang par les artères et retour par les veines.
1665 : Un autre anglais, Christopher Wren développe les outils nécessaires afin d’injecter du liquide dans la circulation sanguine (il s’agit du sang d’un animal, le mouton ou le veau).
1667 : Jean Baptiste Denis médecin de Louis XIV injecte du sang d’agneau à un malade que les saignées successives avaient affaibli ; il en ressort guéri. Cette même année 4 autres patients sont transfusés : 2 survivent, un décède pour une cause étrangère, le 4ème est d’abord sauvé par une première transfusion de sang de veau. Mais Denis constatera alors un accident hémolytique lié à la destruction des globules rouges transfusés ; une nouvelle transfusion fut fatale. En 1668, Denis fut attaqué en justice par la femme du défunt : il sera disculpé (la femme étant condamnée pour empoisonnement à l’arsenic !)
1674 : Le néerlandais Van Leeuwenhoeck fait part de sa découverte au microscope : « j’ai observé le sang de ma main et j’ai trouvé qu’il consiste en globules rouges nageant dans un liquide clair ».
En 1676 la transfusion sanguine animal-homme est interdite en France suite aux nombreux accidents.
1788 : on sait maintenant que ce « quelque chose que le sang transporte » est l’oxygène, indispensable à la vie.
1818 : James Blunded, obstétricien anglais, souvent confronté aux hémorragies préconise d’abandonner le sang animal et réalise des transfusions de sang humain ; problème rencontré : la coagulation du sang du donneur.
1828 : autre problème : de nombreuse maladies et épidémies se propagent par le sang humain ; la transfusion du sang animal refait son apparition.
1900 : L’autrichien Karl Landsteiner découvre les différents groupes sanguins A,B,O. (le groupe AB sera découvert en 1901). Il constate que le sang agglutine ou non avec les globules rouges des autres patients.
1914 : Le Belge Albert Hustin utilise le citrate de soude pour ses propriétés anticoagulantes. Sur les champs de bataille de cette époque, cela permet de dissocier le donneur du receveur. Alors que la transfusion se faisait directement de bras à bras, cela permet de conserver le sang pendant 4 jours. Un progrès appréciable.
1928 : Le français Arnault Tzanck fonde le premier centre de transfusion sanguine à l’hôpital Saint Antoine. (262 transfusions en 1929, dix ans plus tard 3738 , 35 000 en 1948).
1936 : le canadien Norman Bethune expérimente la collecte mobile de sang au cours de la guerre d’Espagne à l’arrière d’un camion.
194O : Karl Landsteiner et l’américain Edwin Cohn découvrent le système rhésus, (indépendant du système ABO), selon la présence ou non d’antigène D à la surface des globules rouges. Cette même année, Edwin Cohn met au point une technique de fractionnement du plasma en ses différentes protéines.
1943 : L’australien Loutit et le britannique Mollison mettent au point la solution ACD (Acide citrique, Citrate, Dextrose) qui permet de conserver le sang pendant 21 jours.
1944 : c’est ce moment du débarquement américain en Normandie qui est évoqué dans le livre : dans les soutes et frigos, des milliers de litres de sang et de plasma collectées à New-York et Londres…..
Dans le documentaire télé, Herbert Stern, personnage fictif qui concentre les expériences de trois vrais médecins allemands, contraints, parce que juifs d’émigrer aux Etats-Unis raconte :
Né en 1901, il fait ses études de médecine à Berlin. Diplômé en hématologie, en 1931. Mais l’époque est dangereuse : « A Berlin, tout ce qui touche au sang, ce n’est plus une science, c’est de la politique » dit-il. L’idéologie nazie fait croire que le sang est un élément capable de prouver la supériorité de la race aryenne « Un même sang pour un reich uni » lit-on sur les bâtiments ». « Dans nos veines coule le meilleur sang et nous le savons » clame Hitler.
En 1934, suite au vote des lois de Nuremberg, Stern rejoint les Etats-Unis : il découvre que les noirs et blancs ne vivent pas dans les mêmes quartiers. En 1936, il travaille dans un centre médical du Bronx et rencontre Norman Bethune. Il s’engagera dans l’armée américaine par reconnaissance envers sa terre d’accueil.
1951 : Molisson effectue la première transfusion avec du sang congelé puis décongelé.
1952 : Walter et Murphy remplacent les flacons de verre par la poche à sang en matière plastique.
C’est aussi l’année du vote au parlement français de la loi sur la transfusion sanguine qui stipule : « le sang et ses dérivés ne sont pas des médicaments, ne constituent pas un bien du commerce, comme issus du corps humain ». Le « don du sang » est un prélèvement sur un donneur volontaire non rémunéré. En 2000, est créé l’IFS (Institut Français du Sang) opérateur unique de la transfusion sanguine sous tutelle du ministère de la santé.
Bien que liquide, le sang est un tissu très organisé. Il est composé d’un fluide salé, le, plasma, dans lequel circulent trois types de cellules : les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes. Pour 1 globule blanc, il y a environ 50 plaquettes et 1000 globules rouges. Aujourd’hui, il n’est pas encore possible de fabriquer du sang artificiel. En cas de perte de sang, il n’y a pas d’alternative à la transfusion.
Durée de vie des produits sanguins: globules rouges : 42 jours ; plaquettes: 5 jours ; Le plasma qui se congèle peut se conserver 1 an.
Pour en savoir plus : je vous renvoie au document télé « sang pour sang » de l’émission « c’est pas sorcier » présentée par Jamy sur France 3. (You tube)
L’OR ROUGE, le marché du sang (2ème partie) - Le marché du plasma, « l’or du XXI siècle » ?
Rappel : suite à un don du sang (sang total), lorsqu’on a retiré les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes, il reste un liquide clair, le plasma, qui contient plus de 300 protéines différentes, d’un intérêt thérapeutique majeur, source de nombreux médicaments au rendement juteux.
En appliquant le procédé d’ « aphérèse », on ne prélève que le plasma, les globules rouges ou les plaquettes et on restitue les autres composants dans le corps du donneur.
Si le don du sang total (ou de plasma) est gratuit en France, il est « rémunéré » ou encore « dédommagé » en Chine, aux Etats-Unis, en Allemagne, en Autriche, en Suède, aux Pays Baltes.
Le terme « don du sang ou de plasma » est alors inapproprié puisque « rémunéré », antinomique à « don », le sang ou le plasma devenant une marchandise, soumise aux lois du marché. « « Un cours international du plasma s’est créé sur le marché mondial. Il fluctue en fonction de l’offre et de la demande. Le plasma est devenu un produit marchand qui dépasse les frontières ». (G. Tobelem, chef de service des maladies du sang à l’AP-HP de Paris, 2013).
A l’échelle internationale, ce marché gigantesque du plasma (évalué à 12 milliards de dollars) est contrôlé par 4 multinationales : l’australienne CSI, l’américaine Baxter, l’espagnole Grifols, la suisse Octapharma.
Le modèle français en danger !
Ce pourrait être le titre d’une mauvaise fable : « Le collecteur et les fractionneurs ». Il était une fois l’EFS, Etablissement Français du Sang, qui, avec ses 147 sites de prélèvement et ses 40 000 collectes mobiles, avait le monopole de la collecte du sang (et du plasma), le revendant aux hôpitaux et cliniques. Anonymat, sécurité sanitaire et éthique garantis.
La collection sanguine (ou de plasma) relevant alors exclusivement d’un service public, son fonctionnement est un et indivisible. Ce modèle de collecte est la garantie pour les donneurs et les receveurs que, d’un bout à l’autre de la chaîne transfusionnelle, les processus répondent aux mêmes normes, aux mêmes conditions, aux mêmes exigences.
C’était sans compter sur le lobbying de l’ogre suisse Octapharma qui lorgnait sur le marché français depuis des années.
Après une intense guérilla juridique, Octapharma a gagné en 2014 la bataille devant la Cour de justice de l’Union européenne et le Conseil d’Etat français a ensuite approuvé ! Grâce au SD, « solvant-détergent », procédé industriel utilisé pour sa conservation, le plasma SD est considéré comme un médicament et peut donc être vendu aux hôpitaux et cliniques en vertu de la concurrence libre et non faussée de l’union européenne.
Moralité : une brèche est ainsi ouverte dans le monopole public de l’EFS. Les hôpitaux et cliniques français sont soumis aux appels d’offres, le plasma SD étant moins onéreux donc vendu moins cher !!
Les reporters se sont particulièrement intéressés à Octapharma, ses méthodes, ses zones d’ombre.
Fréquenter Octapharma, c’est gagner de l’argent facilement. Quant aux conséquences sur la santé des prélèvements trop fréquents, c’est secondaire. Les contrôles sont lacunaires : une borne électronique interroge le donneur, sur son état de santé. Seule une prise de tension est effectuée par des employés.
Les USA représentent 70% du marché mondial, le plasma congelé est envoyé vers l’Europe par cargos entiers ! C’est un réservoir sans limites de matières premières.
Incroyable : Octapharma s’est fendu du communiqué suivant dont voici quelques extraits :
« le plasma est collecté soit auprès de donneurs bénévoles volontaires et non rémunérés – c’est le cas en France - soit auprès de donneurs rémunérés (ou indemnisés) en Allemagne/Autriche/ Tchéquie et autres pays de l’est, et surtout USA.
Il existe des différences importantes en matière de dons par an :
- 24 en France : une fois tous les 15 jours
- 50 en Allemagne
- 120 aux USA
Il est reconnu par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) que le renouvellement des protéines dans l’organisme se fait sur une quinzaine de jours ; le fait de collecter plus fréquemment amoindrit le taux de protéines et les défenses immunitaires du donneur.
…la France a la chance de disposer d’un opérateur public pour collecter le sang et le plasma –l’EFS– et d’un autre opérateur public chargé de fabriquer des médicaments dérivés du plasma- le LFS (Laboratoire Français de Fractionnement et des Biotechnologies).
…Problème éthique : les donneurs rémunérés sont des personnes vulnérables qui ont besoin de ce « salaire » pour vivre. Le sang des pauvres sert à fabriquer les médicaments des riches où le système de protection sociale, permettant à chacun d’accéder au même niveau de soin n’existe pas.
Problèmes sanitaires :
Les donneurs revenant donner deux fois par semaine n’ont pas le temps de reconstituer leurs réserves de protéine ou leurs défenses immunitaires ; ces donneurs pauvres sont appelés à tomber malades.
Pour l’instant, le nombre de malades permet d’assurer l’autosuffisance, qu’en serait-il en cas de retournement de la conjoncture économique ou d’une explosion de la demande aux USA, interdisant la sortie du territoire américain du plasma collecté auprès d’américains ? Rassurons-nous, il y aura toujours des pauvres à exploiter. »
Difficile à croire, mais le cynisme du capitalisme d’exploitation de l’homme par l’homme s’exprime ici totalement.
Gérard Désiles
Pour s’y retrouver dans ce labyrinthe, quelques définitions…
ESF : Etablissement français du sang (banque du sang),
LFB : Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies
MDS : Médicament dérivé du sang
Suivant les besoins, l’EFS peut collecter soit le sang total, soit des plaquettes, soit du plasma ou du sérum.
Sang total : c’est le sang frais.
PSL : produit sanguin labile (Le sang est un produit labile c'est-à-dire fragile, peu stable, durée de conservation : 42 jours)
Plasma : liquide biologique du sang contenant les cellules sanguines (globules rouges et blancs, plaquettes)
Le sérum est obtenu par centrifugation du sang, ce qui modifie sa composition et son utilisation par rapport au plasma.
Fractionnement : procédé pour séparer les différents composants afin de fabriquer divers médicaments.
Plasma SD (procédé utilisant du solvant-détergent) pour conserver le plasma.
Collecteur : l’EFS est le collecteur unique de sang en France.
Fractionneur : qui transforme le sang ou le plasma pour fabriquer des médicaments.