Le contrôle des consciences passent par le contrôle des corps !
Publié le 17 Janvier 2013
Voici un article d'hansi publié dans le bulletin de la libre pensée de la sarthe de juillet 2012. Le prochain bulletin devrait paraitre ces jours ci.
Un policier New yorkais verbalise une cycliste l’accusant de conduire son deux roues en jupe, distrayant ainsi les automobilistes… (http://www.slate.fr/lien/39581/velo-jupe-danger)
Une station balnéaire italienne interdit la mini jupe pour indécence vestimentaire… (http://lci.tf1.fr/monde/europe/2010-10/la-mini-jupe-interdite-dans-une-station-balneaire-italienne-6112238.html)
Des femmes mises en sous vêtements par des policiers lors de manifestations en Egyptes…(http://nadia-aissaoui.blogspot.fr/2012/06/quand-le-corps-feminin-fait-la.html)
Il semblerait que notre société patriarcale ait la volonté de reprendre le contrôle des femmes et ce par le biais du contrôle de leur corps. Que l’on lise la Bible, que l’on écoute les arguments des partisans du voile ou de la burka, quand on lit les encycliques sur les femmes, quand on entend les préjugés diffusés dans la société, y compris quand on lit la presse ou quand on regarde la télé… Partout, nous subissons, et surtout les femmes, des injonctions sur le corps… (A cela il faut rajouter toutes les restrictions à la maternité consciente, à la contraception.. etc…)
Le corps est trop gros, trop vieux, trop maigre… créant ainsi des complexes et des sentiments d’infériorité…
Pire, le corps est rendu coupable. Qui n’a jamais entendu cette expression désignant une femme légèrement vêtue comme étant « un appel au viol » ? Avec cette expression, on fait passer la culpabilité de l’agresseur, du pervers vers la victime… Et ce n’est pas qu’une expression, c’est l’opinion largement diffusée par les religions, de nombreux médias et reprises par de nombreux individus. Le corps, et surtout celui de la femme serait source de tentations, cause d’agressions, cause de troubles.
Cette logique perverse conduit à une logique dangereuse ; tout ce qui peut susciter le désir de l’homme doit être caché. De la bonne sœur à la burka, du décolleté interdit dans les Eglises aux voiles chrétiens, juifs ou musulmans, c’est la même logique.
Qui sont les pervers ? Les femmes topless sur la plage, les femmes qui portent une jupe ou ceux qui projettent systématiquement leurs fantasmes sur le corps de l'autre. Le vrai problème ne vient il pas des fantasmes des bien-pensants qui veulent cacher les corps ?
Les lois morales et religieuses qui régentent les corps, ne protégeraient elles pas en fait l'incapacité pour les moralistes de contrôler leurs propres pulsions sexuelles ? N’auraient elles pas également comme but d’écraser les femmes, de restreindre leurs libertés et de leur interdire l’égalité en droit avec les hommes ?
La féministe et sociologue algérienne, Nadia Aissaoui, a récemment écrit sur son blog un article intitulé « quand le corps féminin fait la révolution ». Elle relate plusieurs initiative de femmes du monde et du monde entier qui ont utilisé l’image de leur corps pour dénoncer les inégalités sexuelles, les agressions dont on été victimes des femmes lors des révolutions arabes, ou pour affirmer leur droit de disposer de leur corps et de leur conscience dans des régimes théocratique et non démocratiques.
Nadia Aissaoui explique : « Dans des sociétés conservatrices, le contrôle de la liberté des femmes est toujours passé par celui de leur corps. Ce dernier, couvert, caché, vierge, fécondable et entravé fait l’objet de toutes les interdictions et toutes les obsessions. Il symbolise à la fois l’honneur de la famille mais aussi une source de tentation et de discorde (fitna).
C’est précisément pour questionner et défier cette obsession que des femmes de plusieurs pays arabes ont décidé de bousculer l’ordre établi en mettant la question du corps au cœur du débat. Elles veulent signifier à la société patriarcale que la révolution a bien lieu et qu’elle ne se fera pas sans elles.
Tout a commencé en Egypte avec l’éclatement du scandale des tests de virginité pratiqués par les militaires sur les manifestantes arrêtées. Cette pratique inconnue jusque-là, et tue par de nombreuses femmes qui craignaient la vindicte familiale et sociale, a été dénoncée par Samira Ibrahim comme une volonté délibérée de l’armée d’humilier les manifestantes. Elle a porté plainte contre les militaires et a gagné son procès.
Un autre acte d’humiliation a eu lieu cette fois sous l’œil des caméras du monde entier et concerne une manifestante voilée, battue et trainée par les forces de l’ordre et dont les vêtements ont été arrachés dévoilant son soutient gorge bleu. |
Cet évènement a scandalisé l’opinion et provoqué des réactions politiques, culturelles et artistiques. La violence qu’il a exprimée révèle un acharnement contre la femme dans son rôle citoyen et politique. La dénuder est ainsi un acte qui vise en plus de l’humilier, à lui notifier une opposition à sa liberté, à son mouvement dans l’espace. Le fait qu’elle soit voilée donne une dimension encore plus symbolique à cette agression puisque désormais aucune femme n’est épargnée par le harcèlement.
Le passage à l’acte de dénonciation de Samira Ibrahim et la violence que les femmes ont subie ont impulsé en Egypte et ailleurs dans le monde arabe une dynamique d’utilisation du corps comme un lieu de revendication de la liberté, de la dignité et de la souveraineté. Depuis, la question du harcèlement sexuel fait couler beaucoup d’encre et les campagnes de mobilisation contre ce fléau ne cessent de grossir.
Une manifestation de femmes arborant un soutien-gorge bleu comme bannière a eu lieu à Beyrouth.
Cette autre égyptienne, Alia Al-Mahdi, a défrayé la chronique en publiant dans son blog unephotographie d’elle posant nue. Cette transgression impensable a soulevé une vague d’indignation et de colère dans la blogosphère y compris dans les milieux les plus progressistes, qui s’étaient mobilisés pour Samira Ibrahim et contre la violence. Leur malaise était d’autant plus important que le message porté par cette photo les exhortait à repenser la révolution en tant que quête de liberté absolue, inconditionnelle. Certains ont considéré que cette publication était excessive et relevait davantage de l’exhibitionnisme et de la provocation que de l’acte subversif.
Toujours est-il qu’Alia Al-Mahdi a marqué les esprits et a suscité une vague de sympathie dans le monde entier. Ainsi, pour marquer leur soutien à Alia, un groupe de féministes iraniennes a conçu et médiatisé un calendrier à partir de photographies de femmes nues. Elles entendaient par-là envoyer un double message de solidarité envers les femmes en général et celles de leur pays en particulier
D’autres initiatives individuelles ont également eu lieu et ont contribué au renforcement de ce mouvement d’affirmation du corps féminin. Deux actrices tunisienne et iranienne ont posé pour des magazines en dévoilant certaines parties de leur corps. Cette posture, loin d’être anecdotique, est clairement devenue une forme de revendication d’une liberté trop longtemps étouffée.
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[…] Le corps en tant que territoire de combat, de conquête ou de libération devient un redoutable enjeu dans les révolutions. Des femmes se réapproprient cet espace confisqué pour faire barrage à la violence et à ses auteurs. Mêmes si ces femmes constituent une petite minorité dans le monde arabe, la portée de leurs actions indique que quelque chose d’irréversible et d’impossible à contenir s’est produit.
Dans ce moment crucial de leur histoire, ces femmes ont conscience de ce qui se joue en termes de mutations et d’opportunités de revendiquer leurs droits y compris, celui fondamental d’être libres de disposer de leur corps et leurs mouvements. Elles demeurent parmi les remparts importants contre la montée du conservatisme social et de l’intégrisme religieux. En brandissant le slogan « mon corps m’appartient, il n’est l’honneur de personne », la dimension politique du corps dénudé a pris le pas sur sa dimension érotique.
Les femmes ont remis à l’ordre du jour, la conviction féministe universelle que plus que jamais, le « personnel est politique ». »