Nous publions ici l'intégralité d'une résolution adoptée par nos camarades de la SARF (Société des Amis de la Révolution Française)
Après avoir pris connaissance :
• du compte rendu de l’audience du lundi 7 mars auprès de M. Jean-Claude Boulard, maire du Mans,
• du compte rendu de l’audience du mardi 8 mars auprès de M. Bergès, Directeur de la Direction Régionale des Affaires Culturelles, et de M. San Juan, responsable du
Service Régional d’Archéologie,
• de la Lettre de 30 professeurs et maîtres de conférence des Universités en activité,
• de la Lettre de M. Jean-Clément Martin, professeur émérite de l’Université Paris I,
I. La SARF
▶considérant qu’il appartient à l’Etat d’assumer la sauvegarde du patrimoine historique et archéologique de l’Histoire de France ;
▶considérant que les ossements des Jacobins relèvent des objets archéologiques et historiques au même titre que les ossements antiques, du Moyen-Age, ou plus récents comme ceux du couvent des Filles-Dieu découverts en 2005 lors des travaux préparatoires à l’édification du musée d’archéologie et d’histoire du Mans;
▶considérant que les progrès scientifiques et l’émergence de nouvelles technologies pourraient permettre de nouvelles recherches scientifiques sur lesdits ossements,
par ailleurs parfaitement conservés depuis 1793 grâce à leur recouvrement par de la chaux alors qu’un ré-enfouissement conduirait à leur dégradation ;
demande à l’Etat et à la Direction Régionale des Pays de la Loire la conservation des ossements par l’Etat dans les dépôts archéologiques prévus à cet effet, c’est-à-dire soit au dépôt de Nantes du Service Régional d’Archéologie, soit sur le lieu de la découverte, au nouveau dépôt SRA prévu caserne Paixhans au Mans, celui de la chapelle des Réparatrices étant actuellement saturé.
II. La SARF
▶considérant que les objets archéologiques (peu nombreux), autres que les ossements humains, découverts dans les charniers des Jacobins appartiennent pour moitié à la ville du Mans et pour moitié à l’Etat, sauf si la ville demande à les conserver,
demande au Maire du Mans de réclamer auprès de la Direction des Affaires Culturelles des Pays de la Loire tous ces objets archéologiques pour Le Carré Plantagenêt, musée d'archéologie et d’histoire de la ville du Mans.
III. La SARF
▶considérant que la loi du 31 juillet 1920 n’autorise pas le transfert des corps exhumés non identifiés (elle n’autorisa le transfert aux familles des corps des soldats de la guerre de 14-18 que dans les cas d’identification individuelle formelle : matricule, uniforme, objets personnels, papiers divers, lieu de sépulture individuelle connu…) ;
▶considérant que les recherches anthropologiques et archéologiques menées depuis 2009 par l’INRAP dans le cadre de fouilles archéologiques préventives ne permettent pas d’identifier lesdits corps ni l’origine géographique (Vendéens, Maugins, chouans bretons, mayennais ou autres, Manceaux ou soldats de la République) des personnes enterrés par tombereaux à l’issue de la bataille du Mans des 12 et 13 décembre 1793 ; dénonce l’odieuse campagne menée pour s’approprier, au mépris de ce qui vient d’être susdit, les 154 squelettes découverts sur le site du Mans :
– par M. de Villiers, ex-président du conseil départemental de Vendée (Ouest-France du 9 janvier 2016), ou par M. Retailleau, président actuel du Conseil régional des Pays de la Loire (O-F du 18 janvier 2016), pour accueillir lesdits ossements à l’«Historial de la Vendée» aux Lucs-sur-Boulogne, alors qu’ils savent pertinemment, d’une part, que ces ossements ne peuvent être reconnus comme vendéens, et, d’autre part, que la loi interdit l’exposition au public de squelettes humains ; leur objectif ne pouvant être le stockage des ossements dans la réserve dudit musée de France, ce qui ne présente aucun intérêt pour l’Historial, il est à supposer une exploitation partisane desdits ossements par un transfert au Mémorial jouxtant l’Historial ;
– par l’ex-ministre et député du Maine-et-Loire Hervé de Charette (O-F du 8 mars 2016) réclamant que les ossements, selon lui, «dans leur grande majorité des Mauges», soient rassemblés à Saint-Florent-le-Vieil, position sans fondement s’inscrivant sur le fond dans le droit fil des intentions des élus vendéens ;
– par l’association «Vendée militaire» (O-F du 23 janvier 2016) suggérant l’aménagement d’une crypte privée de recueillement aux Monts-des-Alouettes, aux Herbiers, «lieu religieux et commémoratif», proposition ne cachant pas son objectif anti-républicain et religieux ;
– par la «Fédération des fils et des filles (sic!) des victimes du génocide vendéen» (O-F du 23 janvier 2016), proposant «un ossuaire souterrain centré sur l’église de Saint-Martin-Lars avec un office religieux catholique annuel», et dont la quinzaine d’adhérents réclame une recherche ADN financée par «un fonds publics d’indemnisation du génocide vendéen» ; ce qui prouve qu’il ne s’agit pas d’identifier les corps pour les rendre à leur famille mais bien d’une opération de catholiques royalistes visant à faire admettre par la République un prétendu «génocide vendéen» toujours rejeté par le Parlement de la République française ;
– par Jacques Fah du Morbihan (La Croix du 9 mars 2016) proposant près d’Auray, en Bretagne, le mausolée des «martyrs» en mémoire à ces catholiques débarqués à Quiberon et «massacrés dans la campagne au "champ des martyrs"».
La République a le devoir de dénoncer ces demandes contraires aux lois et règlements en vigueur, et plus inconvenantes les unes que les autres, cet esprit de revanche, parfois caché sous le masque du républicanisme, parfois ouvertement anti-républicain, qui entend prolonger plus de deux siècles après les événements une atmosphère de guerre civile dont les plaies ne demandent qu’à cicatriser.
La République, qui a dû faire face à une guerre civile déclenchée dans les pays insurgés contre elle alors qu’elle affrontait à ses frontières les monarchies d’Europe, ne doit nulle repentance aux nostalgiques de l’Armée catholique et royale qui entendent la criminaliser, c’est-à-dire la rendre responsable de cette guerre civile.
IV. La SARF
▶considérant les informations selon lesquelles seraient en voie de constitution au niveau régional un pseudo comité scientifique et un collectif d’associations ;
▶considérant l’intervention de Jean-Pierre Mignard, «ami personnel de François Hollande, avocat et catholique de gauche» (O-F du 9 janvier 2016), réclamant pour la Vendée le «droit à un geste historique» ;
estime que ces démarches individuelles ou collectives sont nulles et non avenues compte tenu de ce qui précède, qu’elles ne sont destinées qu’à créer un mouvement d’opinion en faveur du transfert des ossements vers la Vendée, et qu’elles ne sauraient engager en aucune façon l’Etat et les services de l’Etat ;
demande à ces élus et associations de cesser leur odieuse campagne anti -républicaine par un retour à la décence et au respect dû à tous les morts.
V. La SARF
▶considérant que les extraits rendus publics (O-F du 9 janvier 2016) de la position de M. Jean-Claude Boulard, maire du Mans, confirmés par lui lors de l’audience du 7 mars 2016, à savoir l’acceptation de la demande de M. Philippe de Villiers et de M. Bruno Retailleau de transfert des corps vers la Vendée, sont contraires aux lois en vigueur, à la tradition républicaine de la ville du Mans, et considérant que cette position a facilité cette odieuse entreprise de «récupération» à des fins politiciennes et religieuses des restes humains non identifiés des Jacobins ;
demande à M. Jean-Claude Boulard, maire du Mans, de reconsidérer, à la lumière des éléments de ce dossier, sa position, et d’appuyer auprès de l’Etat et de la DRAC la demande de conservation des ossements des Jacobins du Mans, suivant les lois en vigueur, par l’Etat et son Service Régional d’Archéologie, soit dans le futur dépôt
d’archéologie prévu à la caserne Paixhans du Mans, soit dans son dépôt de Nantes.
VI. La SARF
décide en conséquence :
1. d’adresser à la DRAC la position de la SARF ;
2. de demander au maire du Mans une nouvelle audience ;
3. d’adresser un courrier à M. Bruno Retailleau ;
4. de mandater le Bureau pour prendre toutes les initiatives qu’il jugera utiles afin d’obtenir satisfaction ;
5. de remercier les 30 professeurs et maîtres de conférence en activité, ainsi que le professeur émérite Jean-Clément Martin, pour leur intervention, et de leur adresser cette résolution ;
5. de porter à la connaissance du public la position de la Société par voie de presse, internet et autres ;
6. d’adresser exceptionnellement La Lettre de la SARF n° 4 à tous les sympathisants de la Société et de les inviter à la rejoindre.
Le 26 mars 2016
Le Conseil d’administration de la SARF