La guerre en Ukraine
Publié le 4 Janvier 2023
Exposé présenté à la réunion de la Libre Pensée du Mans le 12 avril 2022 par notre camarade Bernard et mis à jour à la rentrée de septembre 2022.
La guerre en Ukraine
« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » (Jaurès)
« La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens » (Clausewitz)
Comme vous le savez, le 24 février, les troupes de la Fédération de Russie ont envahi l’Ukraine pour une « opération militaire spéciale ». La guerre est de retour au cœur du continent européen, avec son cortège de morts, de blessés, de réfugiés, d’horreurs de toute sorte.
Une guerre dont le contenu est mondial
Cette guerre n’est pas une guerre locale, mais une guerre dont le contenu est mondial. Biden a réuni fin avril sur la base américaine de Ramstein en Allemagne 40 de ses vassaux pour les aligner sur son orientation, livrer des armes à l’Ukraine et organiser les sanctions économiques. Il s’agit d’« affaiblir la Russie » (Lloyd Austin, secrétaire à la Défense de Biden), de contrôler cette zone sur le plan géopolitique et de faire main basse sur les richesses pétrolières, gazières et minières de la Russie, qui, malgré la dislocation de l’URSS, le rétablissement de l’économie de marché et l’intégration de la Russie dans le marché mondial, échappent encore aux multinationales américaines. Cette guerre est donc une guerre pour les marchés comme nombre de guerres de l’époque impérialiste, dans un marché mondial devenu trop étroit. Le mot impérialisme est ici employé dans son sens marxiste, c’est-à-dire la domination du capital financier sur l’ensemble de l’économie, la fusion de la banque et de l’industrie. C’est l’époque des trusts et des cartels, des monopoles et des oligopoles, des multinationales, des grandes banques et des fonds spéculatifs.
Il y a eu l’adhésion massive à l’Otan, bras armé de l’impérialisme, des pays de l’Europe orientale qui ont appartenu naguère au Pacte de Varsovie, encerclant la Russie. La Finlande et la Suède s’apprêtent à rejoindre l’Otan. L’Ukraine elle-même a manifesté sa volonté de rejoindre l’Otan et l’UE. Elle est tombée dans l’orbite de l’impérialisme américain qui lui accorde une aide massive et a réorganisé son armée. La logistique et le renseignement de l’armée ukrainienne sont dirigés par les Américains, ce qui explique la perte de plusieurs généraux par l’armée russe.
La guerre a franchi un nouveau seuil avec les livraisons d’armes massives à l’Ukraine, des armes lourdes (chars, artillerie lourde, avions en pièces détachées). Les pays qui livrent des armes à l’Ukraine deviennent de fait des cobelligérants.
En Russie, malgré la répression, il y eu de nombreuses protestations contre la guerre, sous de multiples formes, montrant que les peuples sont contre la guerre.
En ce sens, avec la manière qui est la sienne, Poutine défend son pré carré qui est le pouvoir des oligarques et de son propre pouvoir d’Etat.
C’est la révolution d’Octobre qui a permis l’émancipation de la nation ukrainienne
Les peuples russe et ukrainien sont des peuples frères par l’histoire et la géographie.
C’est autour de Kiev, la capitale de l’Ukraine, que se constitua au Xe siècle, le premier Etat de la région, sous la forme d’une confédération de principautés, la Rous, appelée encore la Ruthénie. Comme beaucoup d’autres pays de la région, l’Ukraine fut occupée par les Mongols, les Polonais, puis partagée entre les empires autrichien et russe.
C’est parce qu’elle a exproprié le capital et la grande propriété foncière et décrété le droit à l’autodétermination des peuples, y compris le droit à la séparation, que fut mis fin à cette « prison des peuples » qu’était l’empire tsariste et que se constitua dans le cadre de l’URSS la République soviétique d’Ukraine qui exerça une attraction puissante sur la partie de l’Ukraine occidentale encore asservie à la Pologne.
La cristallisation au tournant des années trente d’une couche bureaucratique de privilégiés représentée par Staline (le thermidor soviétique), qui défendit ses privilèges par une répression féroce, entraîna une politique réactionnaire sur la question des nationalités. L’Ukraine soviétique fut au centre de cette politique de répression (où s’illustra Nikita Khrouchtchev, qui devait succéder à Staline en 1954). La politique de collectivisation forcée de l’agriculture provoqua une famine et la mort de plusieurs millions de personnes en 1932-1933.
Les motifs invoqués par Poutine
Poutine, un ennemi de l’Union soviétique et de la révolution d’Octobre
Pour justifier l’invasion de l’Ukraine, Poutine a invoqué des arguments à géométrie variable. Il a déclaré qu’il voulait « dénazifier » l’Ukraine, que la Russie et l’Ukraine formaient un seul peuple, que c’était la révolution d’Octobre, Lénine et le Parti bolchevique qui avaient créé artificiellement l’Ukraine : « L’Ukraine contemporaine a été entièrement et complètement créée par la Russie, par la Russie communiste bolchevique. Ce processus a commencé presque immédiatement après la révolution de 1917, et Lénine et ses camarades ont agi de façon peu délicate avec la Russie : ils ont pris à celle-ci, lui ont arraché une partie de ses territoires historiques. » Il parle là comme un nationaliste grand-russe, niant le droit à l’autodétermination des peuples.
Quelle est la nature de l’Etat russe ?
Qui est Poutine ? Quelle est sa base sociale ?
On ne peut comprendre ce qui se passe en ce moment si on ne revient pas sur la dislocation de l’URRS en 1991. En 1991, Eltsine est le président qui a succédé à Gorbatchev, dernier président de l’URSS. C’est un ancien membre du bureau politique de PC de l’URSS.
Avec son Premier ministre, Gaidar, et le concours des experts de l’administration américaine, du FMI et de la Banque mondiale, il va mettre en œuvre ce qui a été appelé la « thérapie de choc » : privatisations-pillages, fermetures d’entreprises, licenciements massifs, libération des prix.
De jeunes loups aux dents longues, issus des komsomols (jeunesses communistes), vont s’emparer des grands conglomérats industriels de l’URRSS pour une poignée de roubles et constituer la couche sociale des oligarques (parmi les oligarques les plus connus en Europe, citons Roman Abramovich, le propriétaire du club londonien de football de Chelsea, qu’il a été contraint de vendre en raison des sanctions).
Voici ce qu’en dit en 2013 l’écrivaine biélorusse Svetlana Alexievitch (prix Nobel de littérature en 2015) : « Nous avons été tellement naïfs à la fin des années 1980 sous Gorbatchev : pendant que nous discutions à perte de vue sur la meilleure façon d’instituer un socialisme à visage humain, les bandits et les dirigeants des jeunesses communistes se sont emparés du pays, se sont partagés les hydrocarbures et ont imposé une société de rapaces à laquelle personne n’était préparé. »
Le résultat fut un effondrement économique et social du pays et un appauvrissement terrible de la population.
Poutine, une fois élu président, s’attacha à réorganiser l’Etat en se faisant l’arbitre et le Bonaparte au-dessus des clans oligarchiques. Pour ce faire, il s’appuya sur la bureaucratie d’Etat issue de l’Union soviétique, et en particulier les corps de répression : services spéciaux, armée, police, ceux qu’on appelle les siloviki, les hommes des services.
Les médias occidentaux présentent souvent Poutine comme un nostalgique de l’URSS : « La disparition de l’URSS est la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle », a-t-il dit, oubliant de dire qu’il avait ajouté que l’URSS ne reviendrait jamais.
Non, Poutine n’est pas l’héritier de l’URSS. Il est l’héritier de ceux qui ont détruit l’URSS. Il est le défenseur des oligarques qui ont pillé le pays et de la bureaucratie corrompue attachée à la survie de l’Etat russe pour les avantages qu’elle en tire.
C’est cette situation qui fait qu’en dépit de la volonté proclamée de poursuivre les privatisations, l’Etat russe contrôle encore, directement ou indirectement, 70 % de l’économie russe, en particulier les conglomérats pétroliers, gaziers, miniers, qui sont la base de son pouvoir.
C’est pour défendre cet Etat menacé par l’encerclement organisé par l’impérialisme que Poutine et son armée ont envahi l’Ukraine, candidate à l’adhésion à l’OTAN et l’UE.
L’armée russe a subi de lourdes pertes en hommes et en matériel qui en disent long sur l’Etat russe et son fonctionnement, sa lourdeur bureaucratique, l’impéritie du commandement et une logistique défaillante.
Et l’Ukraine ?
L’Ukraine est devenue indépendante en 1991. Comme en Russie, les oligarques ont fait main basse sur les richesses du pays et ont contrôlé l’Etat. En 2018, les principaux oligarques que sont Rinat Akmetov (l’homme le plus riche d’Ukraine, propriétaire de la grande aciérie Azovtsal, à Marioupol) et Viktor Kolomoisky (propriétaire d’une chaîne de médias qu’il mise au service de Zelensky pendant sa campagne) ont soutenu la candidature de Zelensky. Pro-russes, puis pro-américains, ils n’ont pas trouvé leur Poutine.
Comme la Russie, l’Ukraine est un pays corrompu. A la faveur de ladite « révolution orange » de 2004 et du et du « soulèvement » de la place Maidan en 2014, propulsés par les Américains, ces derniers ont pris la main sur le pays. Le régime de Zelensky est un régime réactionnaire, privatiseur, qui organise la répression contre le mouvement ouvrier.
Poutine parle de « dénazification ». Qu’en est-il ? Les deux principales organisations nationalistes sont Svoboda et Pravy Sektor (le Secteur droit). Svoboda a un élu au Parlement. Elles ont joué un rôle de supplétifs en 2014 sur la place Maïdan. Les nationalistes ukrainiens se réclament toujours de l’Organisation nationaliste ukrainienne de Stepan Bandera, dont l’organisation armée combattit aux côtés des armées nazies.
Quelle issue ?
Comme on le voit, l’impérialisme, c’est la guerre et le militarisme, le développement de l’industrie de guerre au bénéfice des grands groupes de l’armement.
C’est la tentative de mobiliser la population pour créer une union sacrée derrière les gouvernements pour qu’ils puissent faire passer leurs plans, cela au nom de la défense de l’Ukraine. Nous ne mangeons pas de ce pain-là
Les pays de l’Union européenne se sont rangés derrière Biden pour adopter des sanctions contre la Russie. Ces sanctions vont surtout frapper la population russe déjà appauvrie par la politique de Poutine, comme elles vont frapper les populations des pays européens, ainsi qu’on le voit déjà.
Nous sommes des pacifistes et des internationalistes. Nous pensons que seuls les peuples peuvent arrêter la guerre. Nous nous situons dans la tradition des conférences internationalistes de Zimmerwald et de Kienthal en 1915 et 1916.
C’est pourquoi nous disons :
– Arrêt des opérations militaires !
– Retrait des troupes russes !
– Aucune annexion !
– Droit du peuple ukrainien à décider lui-même !
– Ni Poutine, ni Biden, ni l’Otan !
– Guerre à la guerre et fraternité entre les peuples !